L'amer de la poésie
L’AMER DE LA POÉSIE
Le thème du numéro 121 de Soleils et cendre appelait : AMER[S] DE LA POÉSIE
Voici divers dispositifs pour débloquer l’imaginaire et amorcer l’écriture.
AMERS POUR UNE ÉCRITURE TERNAIRE
dispositif imaginé par H. Tramoy
pour le numéro 121 de Soleils & cendre
Explorant ce thème, nous avons identifié neuf sens différents au mot AMER. Les voici :
1. amer [n.m.] : médication
2. amer [n.m.] : saveur rude
3. amer [n.m.] : fiel, bile
4. amer [adj.] : triste ou pénible
5. amer [adj.] : plein de ressentiment
6. amer [adj.] : lié au spleen
7. amer [adj.] : blessant
8. amer [n.m.] : point de repère sur la côte
9. onde amère [poét.] : eau de mer
Chacun pourra ajouter, modifier, ordonner différemment, tout en gardant neuf définitions. C’est essentiel car 9, c’est 3x3 ou 32 et cela va nous intéresser au premier chef pour bâtir une ou plusieurs contraintes.
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1. Nous notons dans un premier temps, en regard de chaque définition, une expression, ou une courte phrase, ou une citation littéraire.
2. Nous allons associer nos définitions par trois, en utilisant une grille de hasard. Si on imagine les nombres disposés sur un cercle dans l’ordre croissant, on pourra par exemple les parcourir en boucle selon une progression de raison quatre (+4) : 1,5,9 ; 4,8,3 ; 7,2,6 ou bien encore : 2,6,1 ; 5,9,4 ; 8,3,7. Si on choisit une progression de raison cinq (+5), on pourra obtenir 1,6,2 ; 2,7,3 ; 8,4,9. Comme on le voit on peut obtenir un grand choix de possibilités liées à des progressions de raison 2, 4, 5 ,7, ou 8 (les progressions de raison 3, 6 ou 9 sont exclues car elles ne permettent pas de parcourir tous les nombres).
Si l’on choisissait le premier exemple, nos définitions seraient donc associées ainsi : A : 1-5-9 / B : 4-8-3 / C : 7-2-6
À chacun de réaliser comme bon lui semble ces associations, nommées par commodité A, B et C.
3. Écriture 1 : en respectant les associations réalisées en phase 2, nous compressons en un seul énoncé, et en respectant l’ordre de leur apparition, les expressions, phrases ou citations recueillies à la phase 1. Nous obtenons ainsi trois fragments brefs, chacun condensés en une seule nouvelle expression ou phrase. Condensé est compris au sens le plus strict : toute la matière est présente, mais réduite.
Nous nommons ces fragments A1, B1, C1.
4. Retour sur les 9 définitions de départ : pour chaque définition, par association d’idées, nous énonçons 3 mots. Ils seront regroupés, en respectant leur ordre, dans les combinaisons A, B et C de la phase 2. Ce matériau, classé et rangé, va nous permettre d’écrire de nouveaux fragments.
5. Écriture 2 : à partir du fragment A1 pris comme incipit (c’est à dire que c'est lui qui démarre l’écriture), et en utilisant dans l’ordre les 9 mots énoncés en phase 4, on écrit un texte bref. Tout le matériau disponible doit être utilisé. On peut bien sûr être amené, dans la recherche de cohérence, à modifier, dans leur proximité sémantique, un ou plusieurs des mots disponibles : si je dispose du mot déception, je peux par exemple lui substituer un de ses dérivés (décevoir, décevant, déçu). Le fragment de texte obtenu est nommé A2.
6. Écriture 2, suite : nous procédons de même à partir des énoncés B1 et C1, associés à leur 9 mots respectifs, afin de produire deux autres fragments, B2 et C2.
7. Écritures 3 et réécritures : Les fragments obtenus en phases 5 et 6 sont dès lors disponibles comme point de départ de notre écriture : tissage, métissage, filage du sens, réécritures successives selon une suite d’opérations de notre choix. En gardant à l’esprit ce qui a structuré ce dispositif : la poésie comme amer et la structure ternaire.
Pour écrire, doux ou amer, on a toujours besoin d'amers
8. Adresser vos textes aboutis à la revue.
BONHEUR OU PROMESSE ?
dispositif imaginé par M-P. Canard
« Je sais des heures où le bonheur peut paraître si amer qu'on lui préfère sa promesse »
Albert Camus
Il est 18 h 41, vous êtes seul-e à cette table de café. Écrivez en une dizaine de lignes ce que vous voyez, entendez, sentez, touchez. Cela constituera l'état 1 de votre futur texte.
Dans ces lignes vous repérez les mots, les expressions qui vous ravissent, qui éveillent en vous des sensations de bonheur. Repérez-en cinq. Travaillez les sur le pôle matériel.
Invitez ces éclats de bonheur à votre table, retravaillez votre premier texte avec cette matière. Vous obtenez un état 2.
Réécrivez cet état 2 dans son complet opposé (antonyme, expressions contraires...). Vous aboutissez à un état 3.
Maintenant, faites converser ces 2 textes (états 2 et 3) dans un seul texte, métaphore de la citation d'Albert Camus.
AU CŒUR DU POÈME, L'AMER
dispositif imaginé par M-P. Canard
Choisissez un texte poétique (assez long) comme matériau de départ.
Dans ce poème, vous scrutez la mère, la mer et l'amer afin d'y prélever 10 mots pour chacune des entrées proposées.
À partir de cette trentaine de mots, fabriquez des expressions.
À partir de toute cette matière, écrivez une premier fragment.
Recommencez deux fois ce travail (de l'étape 2 à 4) à partir de 2 autres textes poétiques.
Vous obtenez finalement trois fragments.
Vous allez maintenant explorer l'amer à partir de quatre entrées, liées aux quatre acceptions possibles de ce mot :
Pour chacune des lettres L A M E R recherchez 3 mots saveurs, 3 mots sentiments, 3 mots points de repères, 3 mots propos agressifs.Vous allez introduire ces 60 mots dans les trois fragments de textes obtenus à l'issue de la phase 6 (20 mots par fragment).
Avec ces trois nouveaux textes, écrivez un texte final accentuant pour vous « l'amer de la poésie » dans l'acception de votre choix.
MÉLANCOLIE, JEU DE RÔLES
dispositif imaginé par C. Niarfeix
1. Travailler de façon substantielle le mot amer et sa variante amertume sur le pôle matériel.
2. Aidez-vous de ce réservoir/répertoire pour composer une ébauche de premier texte tentant de s’articuler autour d’un mot issu de 1 (celui qui vous semble vous entraîner au plus loin, au plus antagonique, au plus dérangeant de l’univers suscité en vous par amer/amertume.
3. Isoler de votre texte toute la substance qui vous paraît faire conflit (qu’il s’agisse de la matérialité des mots, expressions, phrases ou de leur sens). Réserver tout ce substrat accumulé.
4. Isoler à nouveau dans cet ensemble le mot ou l’expression qui vous paraît le plus dérangeant / énigmatique / ambigu / androgyne et à partir de cela, composer un nouveau matériau ressource dont la ligne directrice pourrait être une coloration onirico-amniotique. Comme au 3, réserver ce substrat.
5. Vous avez maintenant à disposition de quoi originer un deuxième texte que vous ferez osciller entre une mélancolie certaine et une certaine mélancolie et qui doit vous laisser, vous et le lecteur, interdit, décontenancé, irrésolu, à bout de souffle.
DÉ-LIRE DE L'AMER
dispositif imaginé par S. Werner
amer : adj. qualifie ce qui a une saveur âpre.
amers (ou amer) : n.m. emprunté au normand merc (borne, limite), de l’ancien norrois merki, d’où le néerlandais merk (marquer). Il désigne tout objet observé à terre et servant de repère pour la navigation.
Alain Rey - Dict. historique de la langue française
Partir d’une expression liée à l’amer.
Faire dériver les mots.
Chercher les amers de leur origine (dans un dictionnaire historique de la LF).
En inscrire quelques-uns en s’appropriant leur sonorité pour imaginer d’autres sens.
S’y accrocher du regard et, sans les perdre de vue, faire fructifier les mots dérivés, les faire s’affronter au milieu de l’amer, de la mer.
Des fragments en découlent.
Des phrases se brisent, qu’importe.
Laisser aller la langue au texte.
Date de création : 13/07/2016 - 00:38
Dernière modification : 16/10/2016 - 17:32