Autour du Baroque
Le numéro 99 de Soleils & cendre a tenté d'attraper le baroque par la queue. Quelques explorations, réflexions et dispositifs nous ont servi : en voici la trace.
PREMIÈRE EXPLORATION
- L’état de castrat, Farinelli : entrée singulière.
- D. Fernandez (La course à l’abîme) évoque la vie du Caravage (nature populaire des modèles du Caravage pour une peinture pourtant religieuse). Rapprochement avec le dandysme qui évoque la pulsion de mort, l’appel au secours face au risque de néantisation. Lien avec le mythe du Phénix.
- Autres réminiscences : Dictionnaire amoureux de l’Italie du même D. Fernandez ; peinture de E. Pignon-Ernest
- Notre rapport au baroque n’est-il pas fait de préjugés (historiquement le sens du mot a d’abord été péjoratif !). Nous avons besoin de choses matériellement transposables en écriture : faire avec les mots pour construire le concept de baroque.
- Ostentation : la métaphore du paon [cf Circé (métamorphose) et le paon (ostentation)].
- Nous avions défini notre projet baroque à la fois comme thème et forme.
- Baroque : inventer une forme littéraire ? Art de l’effet, profusion du décor. Mouvement et changement liés à l’inquiétude. Instabilité, refus de l’achèvement. Foisonnement, construction. En littérature, révolte contre les règles des théoriciens (du maniérisme comme du classicisme). Le baroque est récurrent dans l’histoire des arts (antiquité, XVIème siècle, impressionisme).
- Eléments de discussion : références à Gaudi, Le Caravage, W. Herzog (Aguirre et la colère de Dieu), Alfred Deller, où l’on se trouve aux marges de la folie.
Site : www.etudes-litteraires.com/baroque.php
Contribution d'après une conférence de Hubert Alfonsi :
LES TROIS STYLES DANS L’ART
L’art et la production artistique peuvent se rattacher à trois styles et trois seulement (classique, baroque et maniériste), même si toute production peut relever d’un mixte de deux d’entre eux ou même des trois.
Les indications ci-dessous sont issues d’une conférence sur l’art (peinture) donnée le 11 janvier 2010 au Délirium (Avignon) par Hubert Alfonsi. Lors du débat, les concepts ont été étendus à la musique et à la littérature. Nous ne retiendrons ici que ce qui caractérise le style baroque (principale référence : Le Greco).
- construction autour de la diagonale (mouvement), alors que le style classique s'inscrit dans l'orthogonalité
- formes moins lisibles, superposées, contrairement au classique où les figures sont autonomes, détachées les unes des autres
- l'espace entre les figures fait lui-même figure (Le Greco peint entre les personnages)
- vision par masses quand elle est linéaire dans le style classique
- le dessin est moins important que la peinture
- tout devient pli (cf Greco)
- évoque la peinture pure (au-delà de la représentation) : ici la référence à la "pure poésie" nous revient
- les formes sont ouvertes (la "fenêtre", qui encadre le sujet classique, disparaît)
- le sujet représente un fragment du monde et non une totalité
- partis pris pictural et existentiel sont confondus dans une même démarche
- le baroque ne propose rien de pur, mais procède par hybridations
- évoque le débordement, le non-achèvement
DISPOSITIF D'ÉCRITURE "ETAT DU MONDE"
(conception Marie-Pierre Canard)
« Le baroque est une réponse multiforme à l’angoisse de cette époque » (Lettres-et-Arts.net)
« La pensée moderne s’est peut-être inventé le baroque comme on s’offre un miroir » (Gérard Genette)
1. On commencera classiquement, par une accumulation de mots pour dire l’état du monde :
- 5 mots/sentiments pour dire l’état du monde
- 5 mots/couleurs pour dire l’état du monde
- 5 mots/textures pour dire l’état du monde
- 5 mots/objets pour dire l’état du monde
- 5 mots/mouvements pour dire l’état du monde
2. Un avant-texte (bref) intégre le maximum de ces mots (retravaillés ou non).
3. On va procéder à 5 réécritures successives de l'avant-texte, selon 5 mots/inducteurs à choisir parmi cette liste de 10 mots-expressions souvent utilisés à propos du baroque (mots à lire dans une acception exclusivement positive). Chaque mots sera le moteur d'une transformation matérielle du texte, par exemple :
- Instabilité où comment faire varier l’ordre des mots, des phrases
- Aspect cosmique où comment lire le ciel, le soleil et les éléments dans son texte
- Chaos où comment créer de l’équilibre dans le déséquilibre du texte
- Métamorphose où comment opérer des glissements matériels sur les mots
- Ostentation où comment systématiser ce qui affleure dans le texte, redondance
- Confrontation des contraires où comment introduire le maximum de termes contraires
- Eclats d’images où comment faire voler son texte en éclats, brisures, le déstructurer
- Ténèbres d’une méditation où comment introduire le noir et le « je » dans le texte
- Mobilité où comment faire voyager son texte (choisir le chemin)
- Inconstance où comment faire varier de multiples fois son texte par micros décalages
4. On peut chercher à présent ce qui pourrait être le point d’articulation de ces 5 états.
5. Ce qui nous mènera à construire un texte final multiforme reprenant les 5 états et s’édifiant autour de ce point d'articulation.