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Image arrêtée, rupture consommée

TEXTE COLLECTIF

Publié dans le n° 27 de juin 1996

Correspondance

IMAGE ARRÊTÉE,

RUPTURE CONSOMMÉE

 

 

Le fil à repriser de la conversation trace ses histoires quotidiennes.

 

Le froid est revenu. La tête me tourne encore. As-tu des nouvelles d'Hervé ? A-t-il coupé le marronnier de la cour ? Marius m'a écrit. J'ai brûlé ma dernière peinture.

Le froid est revenu. La tête me tourne encore.

 

Comme s'il fallait assumer la responsabilité de l'autre, le temps au moins d'une espérance, d'une attente touffue. Comme s'il fallait collecter les timbres des absences…

Absence… Celle de la sentinelle qui change de meurtrière, triturant un bout de crayon gris entre ses lèvres bleues, soufflant sur ses doigts, et déjà rêvant son épitaphe.

Corps en cordée, corps en charpie, corps en souffrance, correspondant de guerre.

Quelle parole ouvre les abîmes, quelle parole couvre les charniers ?

Observateurs, informateurs ou fauteurs de héros ? Ou trafiquants d'images ?

 

Le froid est revenu. La tête me tourne encore. Je devrai peut-être repartir avec le groupe trente trois. As-tu des nouvelles d'Hervé ? A-t-il coupé le marronnier de la cour ? Le froid est revenu. La tête me tourne encore. Crois-tu pouvoir t'en sortir seule ? Marius m'a écrit de l'hôpital d'Agen. Il n'en a plus que pour trois semaines. Le froid est revenu. La tête me tourne encore.

 

Le corps inscrit son pesant de mémoire, faisant pendant à l'Histoire, cette "instance de mort". Chamane ! Chamane de la langue ! Contre tous les porte-parole.

Comme s'il fallait déjouer l'énigme en investissant l'anecdotique de son pouvoir insurrectionnel.

Comme s'il fallait traverser le désir de l'autre de son propre désir.

 

Le froid est revenu. La tête me tourne encore. As-tu pu relire le texte de nos étés ? Je devrai peut-être repartir avec le groupe trente trois. As-tu des nouvelles d'Hervé ? A-t-il coupé le marronnier de la cour ? J'aurais aimé le voir refleurir une année.

Le froid est revenu. La tête me tourne encore. Crois-tu pouvoir t'en sortir seule ? Marius m'a écrit de l'hôpital d'Agen. Il n'en a plus que pour trois semaines, après je pense qu'il pourra te donner un coup de main.

Le froid est revenu. La tête me tourne encore. J'ai brûlé ma dernière peinture, celle où tu regardais par-dessus la muraille. Le jaune a coulé gris larme. Etrange.

Le froid est revenu. La tête me tourne encore.

 

Comme s'il fallait déjà reconnaître en soi l'inconnu.

Comme s'il fallait franchir l'orée de soi-même, regarder par-dessus ses murailles.

 

Au fil de la plume de l'aile du pigeon voyageur ne reste plus sur la page que facture détaillée des coups, seconde par seconde, de bribes de conversations sur répondeurs.

 

 

Yves Béal, Marie-Pierre Canard, Isabelle Ducastaing,

Claude Niarfeix, Henri Tramoy

Bollène 28.IV.96

 


Date de création : 25/10/2009 08:49
Dernière modification : 25/10/2009 09:14
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