Imagine
TEXTE COLLECTIF
pour le n° 13 (octobre 1991)
IMAGINE
Imagine
ta musique mouillée
sauvagine
tes désirs cadencés
de tes vagues
une harmonie
de tes rages
une embellie.
Au soir des silences, chacun parle dans le noir. Aucun ne sait. Au fuyant des regards, chacun parle à la nuit. Les mots se suivent au rythme des hasards. Les mots s'exposent loin de la palabre. Les voix se risquent, mélopée incertaine. Nos voix s'unissent en échos mélodiques. Au gré des insomnies, chacun se déprend. Au gris de l'histoire, l'aube se méprend.
imagine
ta musique mouillée
sauvagine
tes désirs cadencés
de tes vagues
une harmonie
de tes pages
mélancolie.
Elle disait je m'effeuille tous les soirs, je me défroisse la voix, je me défripe la peau et puis, sans mâcher ses mots, elle disait encore tout cela vaut-il enfin tant d'articles indéfinis dans les journaux, faut-il coucher tous ces frissons sur du papier ?
imagine
ta musique mouillée
sauvagine
tes désirs cadencés
d'escapade
en Arménie
de tes pages
mélancolie.
Elle, ses nuits houleuses et le désordre des tentures. Elle, vaporeuse. Elle, sinueuse, compose l'épithalame, facile au lied, au chant d'amour. Elle rythme le chahut des corps et l'homme aura gémi, j'ai été l'amant trop peu sage, je reste l'infidèle, le soliloque et nos mondes s'interloquent.
imagine
ta musique mouillée
origine
de délires balancés
d'escapade
en Arménie
de tes pages
mélancolie.
Elle, le silence si longtemps. Elle bercée, genouillée dans la servitude des princes, raturée dans le fracas des murs et des indifférences. Elle, captive dès que l'aube la prend et la solfège dans sa laisse. Mais chaque nuit elle s'épaissit, haute-contre, elle se fomente, elle se goualante dans l'intervalle à épeler le temps, à inventer l'oiseau. Elle, qui se dresse et se déplie, se course et se retrousse. C'est elle a capella. Elle se cavatine, se tirade à moisson d'elle, à partition. C'est une romance germinale qui se taille à la ligne, qui se cisèle de face et de pile.
Elle, femme, séguedille, nous martèle à la fête. Elle nous vient, couplée de gestes et de cordes, elle nous arme et nous foisonne, se barcarolle, nous fugue et nous appelle.
tu dessines
érotique oubliée
origine
de délires balancés
d'escapade
en Arménie
de tes pages
mélancolie.
Il et elle. L'encre a séché. Dans le journal d'hier, la trajectoire du son s'est encore déviée. Variation trahie de nos plaintes rebelles. Le bruit de l'amer chante son hymne nu Il et elle. Leurs voix désaccordées entrouvrent la parole. Les mots pour ne rien dire sortent de leur exil, les regards silencieux échancrent la nuit, ivoire. Demain sera. Voix multiples, oratorio de lèvres bordées d'oiseaux. Les jamais s'épouvantent, désorientent les toujours. Leurs désirs s'insoumettent. Demain sera.
imagine
ta musique oubliée
sauvagine
tes désirs balancés
d'escapade
en harmonie
de tes rages
mélancolie.
Sylviane Werner, Bernadette Rebesche, Claude Niarfeix
Henri Tramoy, Pascal Paquin
Auxerre, le 30.03.1991