Questions à la critique
QUESTIONS À LA CRITIQUE
C'est au cours des séminaires d'Avignon (1995 et 1996) que, sous l'impulsion d'Yves BÉAL (concept d'acritique) et de Henri TRAMOY (concept d'équivalence textuelle), le groupe Soleils et cendre et ses invités ont développé une réflexion sur la critique, telle que pratiquée habituellement dans la presse ; et entamé une critique de la critique.
"De tout temps l’écriture s’est confrontée aux autres formes de création (théâtre, cinéma, arts plastiques, musique, danse). Pourtant, l’approche dominante, dans les médias notamment, oscille presque exclusivement entre le “j’aime, j’aime pas” du discours “populaire” et une “critique” spécialisée très souvent exclusive.
Nous délivrons un autre regard sur le binôme art/écriture, en considérant toute création artistique, comme l’inducteur d’un processus de création en écriture.
Ainsi, le texte, ni “critique”, ni “description” de l’œuvre d’art, deviendrait une sorte d’écho, de réplique, d’équivalence textuelle, à travers le travail de la langue.
C’est cette forme inédite de rapport de deux formes de création entre elles que nous avons voulu donner à voir, à lire, à adopter, aux participants du séminaire d’une part, au public festivalier d’autre part."
(extrait du projet du séminaire 1995)
C'est ainsi qu'au fil des 11 numéros du quotidien "éphémère" Avis d'Off, le groupe a déroulé quelques premiers éléments d'une "théorie en acte et en construction" dont nous livrons ci-dessous, dans sa chronologie et son brouillonnement, les premières traces.
Cette problématique a aussi donné lieu à une exploration au moyen d'un atelier d'écriture - débat.
MAIS ATTENTION ! CE FATRAS THÉORIQUE BALBUTIANT N'AURAIT AUCUN SENS SANS LA LECTURE DES TEXTES QUI Y SONT ACCROCHÉS ET QUI EN CONSTITUENT LA MATIÈRE VIVE. Ne pas, donc, négliger de consulter le lien.
Question à la critique (1)
Décrire, savoir, juger, comprendre… les quatre piliers historiques de la critique chancellent… en raison, moins du caractère “partial, passionné, politique” que souhaitait Baudelaire, que d’une subjectivité de second ordre argumentée au “j’aime, j’aime pas” de la première évidence.
Dans “Qu’est-ce que la littérature ?”, Sartre affirme que la critique “engage l’homme entier”. Je ne saurais dire s’il évoquait l’homme en général, le critique, l’artiste ou peut-être les trois ensemble. Mais n’est-il pas venu le temps de cet engagement total non pas pour discerner, séparer, distinguer, ainsi que le laisse supposer l’étymologie du mot..., non pas, donc, mettre à part le bon grain et l’ivraie — de quel droit ? — ; n’est-il pas venu le temps d’un retournement, d’un dépassement : la critique comme création authentique à la fois intrinsèquement liée à l’œuvre mais aussi œuvre autonome, donnant à voir — sans voir — donnant à penser, tenant le lecteur pour prochain créateur et non comme consommateur potentiel.
Une critique perturbatrice, dérangeante, moins parce qu’elle assassine les artistes, leurs œuvres et du même coup le spectateur, tenu pour bête à dépenser plus qu’à penser ; une critique perturbatrice, dérangeante donc, justement parce qu’elle tient chacun pour possible producteur d’un regard neuf et qu’elle y invite. Une critique génératrice d’un déséquilibre du sujet à l’instar même de l’œuvre, une critique instaurant l’inattendu pour règle, questionnant le réel tout en rendant compte d’un déplacement émotionnel, d’un choc, de la force du ressenti.
Une critique comme interpellation à se découvrir soi-même ?
Yves Béal (07.1995)
J’appelle “équivalence textuelle” ce rapport du texte au réel qui rend compte sans décrire, qui problématise sans décortiquer, qui parle sans philosopher, qui se dit sans juger.
Il s’agit de travailler les mots-clés, les mots-mâtures, saturés de sens pluriels, offerts à la polysémie. Afin que le lecteur s’y perde peut-être d’abord, prise de risque nécessaire, mais y construise son sens à lui, marqué de ses échos, de son regard, de sa culture.
L’acte de re-création par l’écriture est perversion — c’est à dire autre interprétation, réappropriation et transformation — du réel. Réel de la pièce qui se joue sous mes yeux. Réel de l’autre qui parle et dont j’entends la voix passée au crible. Trahison ? Oui, bien sûr et pourquoi pas. Trahison. Comme on trahit qui on aime par le seul regard porté sur lui, autre image de nous-même.
L’équivalence textuelle, concept perturbateur, réorganise le réel par le travail de la langue. Elle constitue un double discours à la fois sur le réel et sur sa transfiguration par la langue. Rendre tout, sauf les comptes.
Tic ultime, vice du vice, le critique assène, onanique mouche-à-merde, bleue calliphore en recherche de matière à putréfier son foutre fielleux jusqu’à même son alter politico-égo. Collusion dans la pensée, conformisme dans l’idée, collaboration dans l’acte, milice de l’âme et du corps.
Les mots tôt lâchés, trop précoces, glissent, coulent, roucoulent, suivent la pente immobile, le chemin balisé, domestiqué, d’une morale dominante tandis qu’il les faudrait titubants, hybrides, atypiques, contraignants, fertiles. De quel rempart inquisiteur le critique se prévaut-il pour se faire procureur ?
Afficher l’ambition d’un renouvellement de la critique, n’est-ce pas peu ou prou restaurer celle-ci princière sur son piédestal et continuer, contribuer à la figer, à la fixer comme asservisseur institué abaissant l’art à l’art au lieu de le nommer constituant critique du monde.
Renouveler la critique, n’est-ce pas, au bout du compte, s’autoriser, en toute bonne foi, au chacun pour soi paradoxal du missionnaire à la solde involontaire mais ô combien jouissive des papes de la pensée unique. Passeur en somme, à contre-courant certes, mais bien espèce de Sisyphe prométhéen agitant ses pauvres membres désarticulés sans cesse écrasés sous le fardeau invisible de l’habitus.
Dès lors, ce n’est pas un renouvellement qu’il nous incombe de promouvoir mais bien une alternative que je nommerai provisoirement l’acritique définie comme tension cruciale vers un changement d’état de soi et du monde, l’acritique comme mouvement perturbatoire provoquant la production ex abrupto d’une décision décisive de rupture avec l’ordre intime universel antérieur.
à suivre...
Choisir la solitude du bien et du mal pour renvoyer en une définitive séparation l’objet (artistique ou pas), c’est le ranger sommairement au classement banal de l’accessoire (blanc-noir).
Bien fermer les tiroirs idéologiques ; rajouter l’étiquette contrôlée par bien-penseur parisien : les jugements de Cour feront ou déferont votre gloire.
Je ne suis pas culturellement vierge. Et je cherche les comment des alternatives à ce regard sur l’Art qui se veut justicier.
Il y a sans doute des réponses politiques : si l’Art (théâtral ou autre) était (encore ?) service public, les créateurs auraient-ils besoin de se vendre aux plus offrants à coups de press-books volumineux ? Pleins pouvoirs aux bien-penseurs !
Il y a sans doute aussi des réponses individuelles : je suis libre de recevoir et de redéfinir moi-même (quelles que soient les intentions de l’auteur) le propos comme une balise parmi les balises. J’oublie que la critique se veut feu de signalisation.
Il y aura toutes les réponses collectives au-delà des folklores quand les mots des uns rencontreront les mots des autres et que l’interculturalité aura un sens.
Il y a déjà, ici ou là, des baladins de notre espèce qui tentent de semer des graines éphémères et provisoires à faire circuler de mains en mains.
Choisir pluriel pour dire l’objet (artistique ou pas), en toucher les multiples facettes, le recentrer en toute équité à sa place universelle.
Une critique comme un ballon gonflé de vie en perpétuelle demande d’évolution.
Ne plus trancher par le juste milieu. Faire rebondir au-dessus de perches tendues.
L’enfant qui vient de naître porte sur le monde un regard critique ; c’est à dire qu’il s’invente ses sens en lisant les autres et leurs actions.
Quel clone deviendrait-il s’il s’agissait pour lui d’engranger des références révérentes avant de s’oser voyant ? Il en demeurerait à jamais voyeur, c’est sûr.
La critique quand elle signe des mises à mort, quand elle saigne à demi-mots, nous clone à l’infini avec notre bénédiction.
Alors se fait entendre, une autre voix, l’envie d’un vide avant, d’un œil neuf sans ligne préécrite et elle, la garce, s’accommode facilement de ce besoin urgent de regard nouveau, n’ayant jamais servi !!
Qu’à cela ne tienne… laissons le spectateur nouveau-né cloné par mille et une ruses...
Mais cet asservisseur volontaire se méfie de ceux qui continuent de grandir par les yeux, par la bouche, par la main, par la rage qui leur permet de vivre encore et encore.
Alors l’avoir lue ou pas, avant ou après, je m’en fous après tout quand il s’agit pour moi d’avancer à travers l’ire et la larme, d’inventer la parole comme sœur du vent, de me planter là où cet autre vite servi d’air vil, invite plutôt l’oubli et le vide.
Les “experts” s’attachent à flécher les parcours : le spectateur rassuré accomplit sans risque sa moisson cultureuse.
Les exégètes savants assènent leurs références : le spectateur dépossédé leur doit sa déférence.
Spectateur ? Comment prendre sans donner ?
Oser changer de rôle en prenant la plume : passer de l’état de spectre face à l’acteur à l’état de spect-acteur.
S’autoriser : s’oser auteur. L’écriture autorise le spectateur ; elle le pose, dans l’égalité, à l’égard de l’acteur.
L’écriture est acte politique : elle rend sa part de pouvoir au spectateur.
L’écriture lutte contre la solitude du spectateur du fond.
Au-delà de l’éphémère du jeu, l’écriture trace des regards pluriels, crée le Je singulier et en prolonge l’écho.
On n’écrit pas sur, ni pour, ni contre un spectacle, mais dans et avec lui : ni juge ni censeur, mais voleur de sens.
La critique doit être faite par tous ; non par un.
Faut-il renoncer, être absorbée comme sexe à louer, mutilée de mon histoire dans le respect spécialisé du culte des autres ?
Je refuse l’impuissance de l’espace et du temps.
Je veux être révolution en rêves et actions, sans label d’oubli sur lequel rebondir.
Je veux m’argumenter dans l’autre, vectoriser chaque regard vers le réel reconstruit.
Il importe de faire vibrer la langue. On sait qu’un mot, nu, n’a aujourd’hui plus le même sens pour un individu ou pour un autre, ou, du moins, si les sens en sont identiques ou fusionnels, qu’ils ne recoupent, recouvrent pas le même corpus de concepts intégrés.
Il importe de faire vibrer la langue, chaque mot, pour, par cercles concentriques, créer les conditions de l’intersection (tout du moins, des points d’intersections ), c’est à dire de la rencontre. Alors, encore, la critique comme mise en œuvre et aussi mise en mouvement d’une pensée de transhumance qui s’élabore, se construit, s’organise à mesure qu’elle repeuple ses drailles. Elle devra immanquablement s’appuyer (sans s’arc-bouter) sur le trésor ambigu (peut-être parce que brut) de l’émotionnel, de l’irrationnel, de l’imaginaire (dans une dialectique de l’individuel au collectif).
En plus de cet étai basique, il lui faudra aussi intégrer, mais à un niveau moins intimement mythologique, la propre histoire réappropriée des groupes sociaux et des communautés culturelles civilisatrices (pensons à l’histoire de l’identité occitane en tant que pensée de la décolonisation universelle). Tous ces soubassements une fois isolés, répertoriés, mis en cohérence (fonction partiellement théorisante), mis en connivence au carrefour contradictoire de l’aléatoire et du contraignant, pourraient fonctionner comme contre-poids aux évidences référentielles imposées par la culture et l’idéologie dominante puisqu’il apparaît de plus en plus que cet autre corpus, terrorisant, englue de fait toute création dans une symbolique abâtardie et vulgarisée pour consommation immédiate, réductrice et normative. Urgent, réinvestir le champ du réel, c’est à dire, s’oser au rêve, à l’utopie, travaillés et retravaillés par la langue (la langue n’accouche que quand elle est en travail) ; c’est à dire, procéder violemment à un retournement sans précédent de la pensée imposée qui somnole et nous fait somnoler dans l’indolence d’une langue (donc, d’une pensée) cravatée jusqu’à la glotte.
Question à la critique (2)
J’appelle “équivalence textuelle” ce rapport du texte au réel qui rend compte sans décrire, qui problématise sans décortiquer, qui parle sans philosopher, qui se dit sans juger.
Il s’agit de travailler les mots-clés, les mots-mâtures, saturés de sens pluriels, offerts à la polysémie. Afin que le lecteur s’y perde peut-être d’abord, prise de risque nécessaire, mais y construise son sens à lui, marqué de ses échos, de son regard, de sa culture.
L’acte de re-création par l’écriture est perversion — c’est à dire autre interprétation, réappropriation et transformation — du réel. Réel de la pièce qui se joue sous mes yeux. Réel de l’autre qui parle et dont j’entends la voix passée au crible. Trahison ? Oui, bien sûr et pourquoi pas. Trahison. Comme on trahit qui on aime par le seul regard porté sur lui, autre image de nous-même.
L’équivalence textuelle, concept perturbateur, réorganise le réel par le travail de la langue. Elle constitue un double discours à la fois sur le réel et sur sa transfiguration par la langue. Rendre tout, sauf les comptes.
Henri Tramoy (07.1995)
Question à la critique (3)
Renouvellement ou alternative ?
Renouvellement ou alternative ?
Tic ultime, vice du vice, le critique assène, onanique mouche-à-merde, bleue calliphore en recherche de matière à putréfier son foutre fielleux jusqu’à même son alter politico-égo. Collusion dans la pensée, conformisme dans l’idée, collaboration dans l’acte, milice de l’âme et du corps.
Les mots tôt lâchés, trop précoces, glissent, coulent, roucoulent, suivent la pente immobile, le chemin balisé, domestiqué, d’une morale dominante tandis qu’il les faudrait titubants, hybrides, atypiques, contraignants, fertiles. De quel rempart inquisiteur le critique se prévaut-il pour se faire procureur ?
Afficher l’ambition d’un renouvellement de la critique, n’est-ce pas peu ou prou restaurer celle-ci princière sur son piédestal et continuer, contribuer à la figer, à la fixer comme asservisseur institué abaissant l’art à l’art au lieu de le nommer constituant critique du monde.
Renouveler la critique, n’est-ce pas, au bout du compte, s’autoriser, en toute bonne foi, au chacun pour soi paradoxal du missionnaire à la solde involontaire mais ô combien jouissive des papes de la pensée unique. Passeur en somme, à contre-courant certes, mais bien espèce de Sisyphe prométhéen agitant ses pauvres membres désarticulés sans cesse écrasés sous le fardeau invisible de l’habitus.
Dès lors, ce n’est pas un renouvellement qu’il nous incombe de promouvoir mais bien une alternative que je nommerai provisoirement l’acritique définie comme tension cruciale vers un changement d’état de soi et du monde, l’acritique comme mouvement perturbatoire provoquant la production ex abrupto d’une décision décisive de rupture avec l’ordre intime universel antérieur.
à suivre...
Yves Béal (07.1996)
Question à la critique (4)
Choisir la solitude du bien et du mal pour renvoyer en une définitive séparation l’objet (artistique ou pas), c’est le ranger sommairement au classement banal de l’accessoire (blanc-noir).
Bien fermer les tiroirs idéologiques ; rajouter l’étiquette contrôlée par bien-penseur parisien : les jugements de Cour feront ou déferont votre gloire.
Je ne suis pas culturellement vierge. Et je cherche les comment des alternatives à ce regard sur l’Art qui se veut justicier.
Il y a sans doute des réponses politiques : si l’Art (théâtral ou autre) était (encore ?) service public, les créateurs auraient-ils besoin de se vendre aux plus offrants à coups de press-books volumineux ? Pleins pouvoirs aux bien-penseurs !
Il y a sans doute aussi des réponses individuelles : je suis libre de recevoir et de redéfinir moi-même (quelles que soient les intentions de l’auteur) le propos comme une balise parmi les balises. J’oublie que la critique se veut feu de signalisation.
Il y aura toutes les réponses collectives au-delà des folklores quand les mots des uns rencontreront les mots des autres et que l’interculturalité aura un sens.
Il y a déjà, ici ou là, des baladins de notre espèce qui tentent de semer des graines éphémères et provisoires à faire circuler de mains en mains.
Choisir pluriel pour dire l’objet (artistique ou pas), en toucher les multiples facettes, le recentrer en toute équité à sa place universelle.
Une critique comme un ballon gonflé de vie en perpétuelle demande d’évolution.
Ne plus trancher par le juste milieu. Faire rebondir au-dessus de perches tendues.
Monique Poudroux (07.1996)
Question à la critique (5)
L’enfant qui vient de naître porte sur le monde un regard critique ; c’est à dire qu’il s’invente ses sens en lisant les autres et leurs actions.
Quel clone deviendrait-il s’il s’agissait pour lui d’engranger des références révérentes avant de s’oser voyant ? Il en demeurerait à jamais voyeur, c’est sûr.
La critique quand elle signe des mises à mort, quand elle saigne à demi-mots, nous clone à l’infini avec notre bénédiction.
Alors se fait entendre, une autre voix, l’envie d’un vide avant, d’un œil neuf sans ligne préécrite et elle, la garce, s’accommode facilement de ce besoin urgent de regard nouveau, n’ayant jamais servi !!
Qu’à cela ne tienne… laissons le spectateur nouveau-né cloné par mille et une ruses...
Mais cet asservisseur volontaire se méfie de ceux qui continuent de grandir par les yeux, par la bouche, par la main, par la rage qui leur permet de vivre encore et encore.
Alors l’avoir lue ou pas, avant ou après, je m’en fous après tout quand il s’agit pour moi d’avancer à travers l’ire et la larme, d’inventer la parole comme sœur du vent, de me planter là où cet autre vite servi d’air vil, invite plutôt l’oubli et le vide.
Marie-Pierre Canard (07.1996)
Question à la critique (6)
PETITES DÉFINITIONS POUR UN COUP DE TRIQUE
A L’ART DES CRITIQUES
PETITES DÉFINITIONS POUR UN COUP DE TRIQUE
A L’ART DES CRITIQUES
Les “experts” s’attachent à flécher les parcours : le spectateur rassuré accomplit sans risque sa moisson cultureuse.
Les exégètes savants assènent leurs références : le spectateur dépossédé leur doit sa déférence.
Spectateur ? Comment prendre sans donner ?
Oser changer de rôle en prenant la plume : passer de l’état de spectre face à l’acteur à l’état de spect-acteur.
S’autoriser : s’oser auteur. L’écriture autorise le spectateur ; elle le pose, dans l’égalité, à l’égard de l’acteur.
L’écriture est acte politique : elle rend sa part de pouvoir au spectateur.
L’écriture lutte contre la solitude du spectateur du fond.
Au-delà de l’éphémère du jeu, l’écriture trace des regards pluriels, crée le Je singulier et en prolonge l’écho.
On n’écrit pas sur, ni pour, ni contre un spectacle, mais dans et avec lui : ni juge ni censeur, mais voleur de sens.
La critique doit être faite par tous ; non par un.
Marie-Pierre Canard
Claude Niarfeix
Henri Tramoy
Claude Niarfeix
Henri Tramoy
Question à la critique (7)
CAPTURES ? INSOUMISSIONS ?
CAPTURES ? INSOUMISSIONS ?
Faut-il renoncer, être absorbée comme sexe à louer, mutilée de mon histoire dans le respect spécialisé du culte des autres ?
Je refuse l’impuissance de l’espace et du temps.
Je veux être révolution en rêves et actions, sans label d’oubli sur lequel rebondir.
Je veux m’argumenter dans l’autre, vectoriser chaque regard vers le réel reconstruit.
Chantal Bélézy
Question à la critique (8)
LANGUE ET PENSEE
LANGUE ET PENSEE
Il importe de faire vibrer la langue. On sait qu’un mot, nu, n’a aujourd’hui plus le même sens pour un individu ou pour un autre, ou, du moins, si les sens en sont identiques ou fusionnels, qu’ils ne recoupent, recouvrent pas le même corpus de concepts intégrés.
Il importe de faire vibrer la langue, chaque mot, pour, par cercles concentriques, créer les conditions de l’intersection (tout du moins, des points d’intersections ), c’est à dire de la rencontre. Alors, encore, la critique comme mise en œuvre et aussi mise en mouvement d’une pensée de transhumance qui s’élabore, se construit, s’organise à mesure qu’elle repeuple ses drailles. Elle devra immanquablement s’appuyer (sans s’arc-bouter) sur le trésor ambigu (peut-être parce que brut) de l’émotionnel, de l’irrationnel, de l’imaginaire (dans une dialectique de l’individuel au collectif).
En plus de cet étai basique, il lui faudra aussi intégrer, mais à un niveau moins intimement mythologique, la propre histoire réappropriée des groupes sociaux et des communautés culturelles civilisatrices (pensons à l’histoire de l’identité occitane en tant que pensée de la décolonisation universelle). Tous ces soubassements une fois isolés, répertoriés, mis en cohérence (fonction partiellement théorisante), mis en connivence au carrefour contradictoire de l’aléatoire et du contraignant, pourraient fonctionner comme contre-poids aux évidences référentielles imposées par la culture et l’idéologie dominante puisqu’il apparaît de plus en plus que cet autre corpus, terrorisant, englue de fait toute création dans une symbolique abâtardie et vulgarisée pour consommation immédiate, réductrice et normative. Urgent, réinvestir le champ du réel, c’est à dire, s’oser au rêve, à l’utopie, travaillés et retravaillés par la langue (la langue n’accouche que quand elle est en travail) ; c’est à dire, procéder violemment à un retournement sans précédent de la pensée imposée qui somnole et nous fait somnoler dans l’indolence d’une langue (donc, d’une pensée) cravatée jusqu’à la glotte.
Claude Niarfeix (07.1996)
Date de création : 28/07/2008 02:02
Dernière modification : 31/07/2008 23:03
Catégorie : - Nos fondamentaux
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